http://sites.google.com/site/legrosmensongedelabible
Pourquoi
des dieux et des religions ?
Introduction:
Il existe des multitudes de dieux et de religions avec de
nombreuses différences mais aussi beaucoup de points communs sur
la Terre, pourquoi?
Pour bien
comprendre ce chapitre difficile, il faut toujours avoir présent
à l'esprit la théorie de l'évolution au sens de Darwin.
L'évolution se manifeste à deux niveaux: tout d'abord au niveau
de la compréhension du cerveau humain dont l'évolution a permis
la mise en place de mécanismes cachés qui donnent au cerveau
toute son efficacité, ces mécanismes et l'apparition du langage
parlé puis écrit ont naturellement favorisé l'éclosion de
systèmes de religion. A un deuxième niveau, la sélection
naturelle a aussi agit sur les concepts même qui ont présidé
aux religions: au début, l'homme a produit une grande quantité
de concepts: des idées, des images... Pour perdurer et évoluer,
ces concepts doivent posséder des caractéristiques bien
précises qui ont naturellement sélectionné les
"meilleurs" concepts: ceux qui ont survécu puis se
sont complexifiés pour former les premières religions. Comme
pour les animaux et les individus, un bon concept est un concept
qui dure, pour cela, il doit être suffisamment performant au
départ mais il doit permettre une certaine évolution qui va
conduire, toujours par le processus de sélection naturelle, à
une amélioration. Les religions elles-même se sont donc
améliorées et complexifiées au sens de Darwin. Comme pour les
espèces, le seul critère ultime est la survie des gênes à
long terme. Il est amusant de constater que certaines religions
qui sont le produit de l'évolution et de la sélection naturelle
rejette ce système pour expliquer l'origine de l'homme et des
animaux: elles rejettent le mécanisme qui leur a donné
naissance.
La construction même du cerveau humain explique les points
communs entre les religions et les dieux du monde. En fait, on
peut dire que les religions sont naît du décalage entre les
processus de fonctionnement du cerveau humain et la conscience
qu'en ont les hommes. Ce qui rend la chose difficile à
expliquer (et du coup la religion plus résistante) c'est que
l'humain, pour comprendre le fonctionnement de son cerveau,
utilise son propre cerveau: il ne peut pas s'en
"extraire" pour avoir un salutaire regard extérieur.
Imaginons un petit homme vert habillé en vert toujours dans une
boîte verte et à qui on parle, à travers son téléphone
(vert) d'un objet bleu. Quelle représentation pourrait-il bien
s'en faire? Enfin, le cerveau humain s'est façonné, au cours
des âges, de telle sorte, qu'il n'est absolument pas nécessaire
de savoir comment il fonctionne pour l'utiliser. Cette
caractéristique du cerveau à cacher naturellement son
fonctionnement complique beaucoup son étude et... favorise la
religion. Ce qui se passe dans notre sous-sol mental n'est pas
accessible, n'est pas constitué de phrases ce qui nous empêche
de formaliser ces concepts si bien que nous ne pouvons avoir
conscience des processus impliqués.
Le cerveau:
Le cerveau humain, pour fonctionner est constitué de deux
parties: la partie externe (grosso modo le conscient des
psychanalystes): c'est la partie de notre raison qui nous est
perceptible et que nous ressentons. La partie interne (grosso
modo l'inconscient des psychanalystes): ce sont les coulisses du
cerveau où agissent de nombreux mécanismes que nous utilisons
sans les voir ni les percevoir qui nous conduisent à considérer
des choses comme évidentes et naturelles mais qui le sont
beaucoup moins après une analyse approfondie.
Au fil des millénaires, la sélection naturelle a mis en place
des mécanismes efficaces qui se sont transmis dans les gênes.
Ainsi les petits enfants apprennent assez facilement à
maîtriser un langage. La solution évidente et logique pour
apprendre quelque chose à quelqu'un, c'est d'utiliser les mots
qu'ils connaît pour en définir de nouveaux et lui décrire un
concept. C'est une solution évidente mais ce n'est pas celle qui
est utilisée par des jeunes enfants pour apprendre un langage:
comment expliquer avec des mots un langage à quelqu'un qui ne
connaît rien? L'évolution, chez l'humain a donc retenu des
mécanismes plus efficaces comme l'inférence. Par exemple, si un
enfant voit une vache mettre bas son veau, il va supposer, il va
inférer que TOUTES les vaches mettent ainsi bas. L'esprit a
besoin et dispose d'une manière d'organiser et de classer les
informations et de donner un sens à ce qu'il reçoit: de
produire des inférences à partir des informations recueillies.
Si on montre à un enfant un animal qu'il ne connaît pas: un
castor par exemple, l'enfant va naturellement appliquer son
concept "animal" au "castor", l'enfant n'a
pas réellement conscience de procéder ainsi, il utilise les
coulisses de son cerveau: des mécanismes sophistiqués et
invisibles qui se sont mis en place au cours des siècles et sont
apparus dans les gênes. Il est important de comprendre que si un
enfant, à la naissance ne sait évidemment pas ce qu'est un
animal, il a en lui, à la naissance, les mécanismes qui lui
permettront d'absorber ce concept.
Par exemple, un enfant a, dès sa naissance, des mécanismes
d'imitation. En tirant la langue devant un nourrisson on peut lui
faire tirer la langue alors qu'il ne s'est jamais vu dans une
glace, qu'il ne sait pas ce qu'est sa langue et à quoi elle
sert. On active des mécanismes que l'enfant possède à sa
naissance, dont il n'a pas conscience et qui ont été
sélectionnés pour l'aider à apprendre. Cette inconscience de
son propre fonctionnement est un puissant facteur d'apparition de
surnaturel et de religieux. On peut assimiler la religion à une
épidémie mentale qui conduit les gens à développer (à partir
d'informations variables) des idées et des concepts religieux
assez semblables. Comme un virus biologique ou un virus
informatique, un concept religieux, pour se développer doit
avoir des caractéristiques bien précises. Un virus qui tue son
hôte quelques minutes après son apparition à bien peu de
chances de se développer et de propager ses gênes: il sera
rejeté par le mécanisme de la sélection naturelle.
Réciproquement, un virus très contagieux mais dont les
symptômes n'apparaissent que longtemps après son apparition a
certainement un brillant avenir dans le monde des virus... La
religion et les concepts religieux sont culturels et, au départ,
se sont développés un peu "au hasard" mais la
sélection naturelle et les mécanismes cachés du cerveau humain
ont conduit à une sélection des meilleurs concepts religieux:
ceux dont la survie dans le temps est la meilleure.
Le concept
religieux:
Pour fonctionner, un concept religieux doit survivre et donc
frapper les imaginations. D'autre part, il doit être
suffisamment simple. La théorie et l'histoire montrent que ce
concept doit intégrer un paramètre biologique contraire à
l'intuition humaine. S'il n'en contient pas: "le poulet
mange du grain et respire", il n'y a rien là d'original,
tout le monde le sait et on l'aura vite oublié. "Certains
arbres peuvent écouter les conversations humaines, et dans
certaines circonstances, les révéler" (Uduk du Soudan).
Voilà qui est beaucoup plus intéressant: notre intuition nous
prouve que les arbres ne sont pas capables d'écouter, de
comprendre ou de transmettre la moindre conversation. Notre
esprit, produit des inférences et nous "montre" que ce
n'est pas possible. Cette affirmation est donc spectaculaire, a
toutes les chances d'être retenue et constitue un bon candidat
à un concept religieux efficace. D'autre part, elle pourra
facilement évoluer, se complexifier... Pour être efficace, un
concept religieux doit être "théologiquement
correct": le paramètre qui viole les lois standard doit
être correctement dosé: une faible violation défavorisera la
mémorisation, une trop forte violation limitera la diffusion à
cause du scepticisme naturel. Plusieurs violations rendent le
message complexe et difficile à mémoriser, à moins que la
sélection naturelle ne le simplifie...
Les systèmes cachés qui constituent notre cerveau sont aussi
complexes en eux-mêmes que dans leurs connexions. Certains
aspects de cette complexité sont essentiels si l'on veut
comprendre pourquoi les êtres humains ont des concepts
religieux. Notre esprit trie les objets en catégories.
L'appartenance d'un objet à une catégorie nous conduit à
inférer ses caractéristiques: la poule est un animal donc elle
se déplace, mange et a une certaine intelligence... Si je lâche
cette fourchette, des mécanismes de physique intuitive me
conduisent à penser qu'elle va tomber à terre. Si elle reste
suspendue en l'air, je serai très surpris. Si l'enfant pousse la
balle, je sais que la balle va rouler. Mais je comprends aussi
que l'enfant a voulu pousser la balle. Si l'enfant me voit, il
sait que je l'ai vu pousser la balle, il sait que je pense qu'il
a voulu pousser la balle. Ces concepts nous paraissent évidents,
tellement évidents qu'ils sont transparents. Si à un spectacle
de marionnettes, Pierrot met la balle dans la boîte rouge puis
il s'en va, le gendarme récupère la balle et la met dans la
boîte bleue, Quand Pierrot revient, si on demande à un enfant
de quatre ans où Pierrot va chercher la balle, il répond: dans
la boîte rouge: l'enfant sait que la balle n'y est pas mais il
sait que Pierrot le croit. Un enfant plus jeune ou un autiste
n'est pas capable de faire ce raisonnement: les mécanismes ne
sont pas encore en place ou déficients. Paul sait que Pierre
pense que la femme de Jean est plus jolie que celle d'André. Ce
genre de raisonnement n'est accessible qu'aux humains.
Pour un humain, un poteau électrique sert à soutenir les fils,
pour un chien, il sert à marquer son territoire: le mode
d'appréhension des espèces est lié à leur évolution. Les
systèmes d'inférence mis en place dans nos gênes sont là
parce qu'ils représentent des solutions efficaces à des
problèmes récurrents dans notre environnement depuis des
milliers d'années. Chez les populations humaines de
chasseurs-cueilleurs, la coopération étroite était indispensable. L'information était transmise par l'exemple et la
communication. Ce long passé explique notre comportement
aujourd'hui: le goût pour le sucré s'explique par la rareté
relative des sources de sucre dans ces populations.
Commérage et
coalition:
Le commérage est l'une des activités humaines fondamentales: ce
sont des informations sur nos semblables, de préférence celles
qu'ils ne souhaiteraient pas divulguer et concernant surtout le
statut social, les ressources et la sexualité. Ca s'exprime
aussi dans l'aspect physique, les vêtements et les bijoux qui
sont des signaux pour tenter de communiquer à l'autre sa
position sociale avec, bien sûr, possibilité de tricher. Les
commérages sont à la fois universels et méprisés: nous sommes
avides d'informations au sujet des autres mais nous redoutons de
voir divulguer des informations à notre sujet. Nous souhaitons
être dignes de confiance pour avoir des relations sociales
stables.
La coalition est une forme particulière d'association où l'on
s'associe volontairement, on peut faire défection, la
coopération est bénéfique et les défections pénalisent
l'ensemble de la coalition. Les humains ont les capacités
mentales pour faire le travail d'évaluation de façon intuitive
et automatique. La coalition exacerbe la loyauté et induit le
désir de punir ceux qui font défection et à soumettre certains
à des épreuves pour vérifier leur loyauté. Le cerveau humain
est très performant pour traiter ces problèmes de façon simple
en apparence.
L'humain est aussi très performant pour produire des inférences
sur la base de prémisses non réelles: "Si j'avais mangé,
je serai rassasié". Quand un enfant joue à la voiture avec
une boîte de conserve, il sait très bien que la boîte de
conserve n'est pas une voiture mais il joue à faire "comme
si".
Les concepts religieux sont des concepts surnaturels qui
comptent. La religion est avant tout pratique. En général, dans
les religions, la doctrine n'est pas nécessairement l'aspect
principal ou le plus important des concepts religieux. Le plus
important concerne la description précise de la façon dont ces
agents peuvent influencer la vie des gens et sur ce qu'il
convient de faire et de ne pas faire. Les religions occidentales
sont une exception à cette règle.
Dieux et
esprits:
Les dieux sont des êtres qui ont des propriétés physiques
spéciales: ils ne mangent pas, ne dorment pas, ne meurent pas...
mais ils doivent aussi se comporter comme tout le mode, nos
inférences l'exigent. Les dieux sont donc bâtis à la
ressemblance des hommes. Voltaire disait que si les cafards
avaient l'intuition de Dieu, ils l'imagineraient sous la forme
d'un très grand et très puissant cafard. Quand les dieux n'ont
pas une apparence humaine, ils ont toujours un intellect humain.
Quand nous voyons bouger une branche, le cerveau met en route
deux processus différents: un système d'inférence spécialisé
dans la détection d'un agent animé et un deuxième système
chargé d'identifier l'agent. Cette particularité est
essentielle à la compréhension des concepts de dieu et
d'esprit: en matière de religion, les gens ont moins tendance à
voir des "visages dans les nuages" qu'à "guetter
des pas dans l'herbe": ils sont moins intéressés par les
caractéristiques des agents que par l'indice de leur présence.
Le système humain de détection des agents fait partie de notre
fonctionnement cognitif permanent: pour sa survie, l'homme a
tendance à interpréter une branche qui tombe comme l'arrivée
possible d'un agent. Cette hypersensibilité du système humain
explique pourquoi le concept de dieux et d'esprits ressemblant à
des agents est si naturel. L'évolution naturelle a favorisé les
hommes qui sur-détectaient les agents plutôt que les autres.
Les milliers d'années passées par les humains comme proie
potentielle ont beaucoup influencé leur évolution. En principe,
quand le système hyper sensible d'un humain détecte un agent,
très souvent, il s'agit d'une fausse alarme et on l'oublie
aussitôt.
Les pensées concernant les dieux et les esprits sont des
concepts stables au sens où les gens les gardent en mémoire,
les réactivent périodiquement et pensent que ces agents sont
des éléments permanents de leur environnement. Certaines
intuitions prennent corps et se stabilisent grâce à ce qu'en
dit l'entourage. L'être humain est capable de découpler ces
inférences pour construire des scénarios: "que se
passerait-il si?".... à partir de trois ans, beaucoup
d'enfants utilisent ce mécanisme pour entretenir des relations
durables et complexes avec des compagnons imaginaires qui
constituent un terrain d'entraînement pour nos capacités
sociales. Ils peuvent donc maintenir des interactions cohérentes
même quand les personnes ne sont pas là ou n'existent pas.
Information
stratégique:
A partir du moment où un humain reçoit une information qui
déclenche une inférence qui modifie ses interactions, cette
information est stratégique. Les hommes consacrent
généralement beaucoup de temps et d'énergie à se demander si
les autres détiennent de l'information qu'ils considèrent comme
stratégique et à spéculer sur les inférences, intentions ou
projets qu'ils peuvent tirer de cette information, à essayer de
les empêcher d'accéder à cette information, de diriger et
d'influencer les inférences formées à partir de cette
information. Tous ces calculs complexes sont fondés sur l'idée
que l'accès à l'information stratégique, le nôtre comme celui
des autres est complexe et généralement imparfait.
Les interactions avec les dieux et les esprits activent les
mêmes systèmes d'inférence qu'avec nos semblables. Elles sont
donc naturelles. Si on prie Dieu pour être guéri c'est que l'on
pense que Dieu perçoit que l'on est malade. Il y a pourtant une
très grosse différence entre les interactions avec Dieu et nos
semblables: avec les humains, on suppose toujours qu'ils ont
un accès limité à l'information. Avec les agents surnaturels,
Dieux et esprits, on suppose qu'ils ont un accès illimité à
l'information. En général, les Dieux et esprits ont accès
à l'information stratégique plutôt qu'à l'information en
général. Dans le monde entier, c'est ainsi que sont
représentés les ancêtres et les dieux.
Lors d'une communication verbale, le cerveau de celui qui écoute
infère une interprétation optimale. La transmission culturelle
est déterminée par la pertinence. Les concepts qui
"excitent" le plus de systèmes d'inférence,
correspondent le mieux à leurs attentes et déclenchent des
inférences riches qui sont les plus susceptibles d'être
acquises et transmises. Nous n'avons pas les concepts culturels
qui sont les nôtres parce qu'ils sont censés ou utiles mais
parce que la façon dont est construit notre cerveau nous
interdit de ne pas les élaborer.
Le fait que la plupart des dieux et des ancêtres soient des
agents à accès stratégique illimité est le résultat d'une
sélection culturelle. Les agents stratégiques jouissent d'un
avantage sélectif certain, cela explique qu'on les rencontre
plus souvent: ils nécessitent moins d'efforts. Concevoir ce que
savent les agents à accès illimité, c'est supprimer les
obstacles: "les dieux savent que j'ai rencontré
untel". De plus les agents stratégiques génèrent des
inférences plus riches et sont tellement plus faciles à
représenter qu'ils jouissent d'un avantage dans la transmission
culturelle.
Moralité:
La religion n'est pas le fondement de la moralité, ce sont les
intuitions morales qui rendent la religion plausible. La religion
n'explique pas le malheur, c'est la façon dont les gens
considèrent les malheurs qui rend la religion plus facile à
adopter. Les parangons intermédiaires entre les hommes normaux
et les dieux comme Bouddha, Jésus, Mahomet... constituent une
autre façon de relier morale et religion:...
Presque partout, les hommes conçoivent des agents surnaturels
comme s'intéressant à leurs décisions. Le législateur et le
parangon sont insuffisants comme représentation de la moralité.
Les codes religieux comme les dix commandements ne stipulent
qu'un petit nombre d'interdits et de prescriptions. C'est
pourquoi, à chaque fois, toute une littérature l'accompagne.
Pourtant, en général, les croyants n'ont une très vague idée
des lois originales: combien de chrétiens peuvent citer les dix
commandements?
Les jugements moraux sont organisés selon un système de lois et
d'inférences à partir de principes généraux: "Ne fais
pas mal à autrui tant qu'il ne te fait pas mal". En
matière de morale, les spécialistes ont montré que, dès trois
ans un enfant a l'intuition que frapper quelqu'un est mal même
si ça n'est pas expressément interdit: il existe un système
d'inférence spécifique précoce, un sens moral inné qui
sous-tend les intuitions éthiques: il existe une valeur morale
intrinsèque des comportements.
La morale est engendrée par la coopération. La coopération a
plusieurs causes: la parenté: la volonté de transmettre nos
gènes a sélectionné en nous des mécanismes qui nous font
privilégier nos descendants, l'altruisme réciproque fondé sur
l'échange de bons procédés mais il y a aussi de l'altruisme
même en l'absence de sanctions. En général, on n'agresse pas
les vieilles dames même s'il n'y a aucun risque de sanction. Le
faire met "mal à l'aise" la plupart des gens.
Il faut non seulement avoir un comportement moralement correct
vis à vis des autres mais il faut aussi que ça se sache. Pour
résoudre ce problème, les hommes ont mis en place des
dispositifs d'engagement: des associations qui exclue un membre
malhonnête. Ces associations ne fonctionnent que si les
tricheurs sont punis d'une manière disproportionnée à leur
faute.
En matière de morale quand on estime avoir raison, on essaie,
par le dialogue, de le démontrer à son interlocuteur en lui
donnant des informations. Mais personne n'a accès à toute
l'information pertinente, il s'ensuit des conflits. Personne,
sauf un agent surnaturel qui a accès, lui à toute l'information
et il sera donc particulièrement bien placé pour savoir si un
comportement est juste ou non. Les agents surnaturels se trouvent
donc tout naturellement associés aux jugements moraux humains.
Les concepts de dieux et d'esprits gagnent donc en pertinence par
l'organisation de notre entendement moral qui en lui-même, n'a
pas particulièrement besoin de dieux ou d'esprit. Les concepts
fournissent alors de nombreuses inférences et sont faciles à
représenter. Si je me conduis de manière immorale, je
soupçonne qu'un agent qui serait au courant de ma conduite
estimerait que je me suis mal conduit. Ce principe permet de
construire facilement un système moral efficace, plus efficace
que le concept de législateur ou d'exemple. Les codes et les
pensées religieuses ne pouvant pas être à l'origine des
pensées morales, il s'ensuit que celles ci sont très semblables
chez des gens ayant des concepts religieux très différents ou
n'en ayant pas du tout. En quelque sorte, les concepts religieux
parasitent les intuitions morales.
Malheur et
maladie:
Lorsque le malheur frappe: untel tombe malade. On sait que tout
le monde, un jour ou l'autre tombe malade, mais c'est un principe
général. La question que se pose celui qui est malade, c'est
"pourquoi moi?". La question n'a guère de sens mais
elle est la conséquence directe de nos systèmes d'inférences
et du format de leurs réponses: "pourquoi ont-il fait cette
fourchette en caoutchouc?". Les dieux et les esprits qui
interagissent avec les hommes et disposent de toute l'information
stratégique sont de bons candidats potentiels comme source de
malheurs ou comme protecteurs. Les concepts religieux
réussissent d'autant mieux que leur représentation repose sur
des capacités mentales que nous activerions avec ou sans
religion. Ils parasitent l'ontologie intuitive. Cela explique la
facilité de certains concepts et le succès d'une statue qui
saigne ou d'un arbre qui parle. Dans le contexte de l'interaction
sociale, le concept d'un agent ayant libre accès à
l'information est facile à représenter et riche de
conséquences. Ces concepts sont des parasites au sens biologique
du terme: ils s'accrochent sur un système existant dont ils ont
besoin pour vivre, se développer, se reproduire et prospérer.
La mort:
On croit souvent que la peur de la mort a induit les religions et
que le soin que tous les peuples mettent à traiter leurs
cadavres démontrent de ce sentiment religieux. Pourtant, une
analyse approfondie montre que c'est le cadavre lui-même qui est
l'objet de toutes les attentions. En fait, l'anthropologie a
démontré que les hommes se sont rapidement rendus compte qu'un
cadavre était polluant, qu'un simple contact pouvait transmettre
des maladies et que donc les cadavres nécessitait un traitement
approprié pour ne pas contaminer un vivant. Dans beaucoup de
peuples, ceux qui s'occupent des cadavres sont rejetés par les
autres et vivent à part. Cette expérience de la contamination a
développé dans notre cerveau des mécanismes spécifiques de
conduites d'évitement.
D'autre part, devant un animal mort, nous supposons qu'il n'y a
plus ni but ni objet pourtant, dans le cas de personnes connues,
le mécanisme du cerveau des fichiers de personnes n'arrive pas
à décrocher: la personne vit toujours dans notre esprit. Cette
incohérence créé une dissociation entre nos systèmes
d'inférence. Enfin la perte d'un enfant est une catastrophe
génétique surtout si c'est un adolescent et la mort de tout
membre du groupe est une perte énorme en termes d'information
disponible et de coopération potentielle.
Ce sont les causes du mécanismes du chagrin du cerveau qui sont
des émotions négatives qui nous aident à affiner nos
comportements. Bref, la mort conduit à des inférences
extrêmement riches et créé inévitablement des effets
cognitifs remarquables. Tout ceci conduit les gens à craindre
les morts, dès lors, "l'âme" des morts constitue
l'agent surnaturel le plus largement répandu dans le monde:
c'est le moyen le plus simple et le plus efficace de transmission
de concepts d'agents naturels.
Les rituels:
Le rituel est une machine à réduire l'information transmise.
Une bonne partie de la culture humaine est constituée de gadgets
cognitifs qui ont le pouvoir de capturer l'attention. Dans un
rituel, les dieux viennent s'ajouter à une activité humaine qui
n'en a pas réellement besoin. Les dieux et les esprits sont
beaucoup plus convaincants lorsqu'ils se trouvent associés à
des activités humaines remarquables. Les prescriptions rituelles
sont des règles de précautions: ce qu'il convient de faire pour
écarter le danger. Les rituels ne sont pas le résultat de la
représentation des pouvoirs divins mais l'une de ses causes. Les
rituels rappellent les actes automatiques et irrésistibles
accomplis par les personnes souffrant de troubles obsessionnels
compulsifs qui provient du dysfonctionnement spécifique de
certaines fonctions organisatrices du cerveau associées à
l'activation anormale d'aires cérébrales précises qui assurent
la combinaison entre projets et émotions. Les systèmes qui
surveillent le danger potentiel derrière chacun de nos actes
sont suractivés chez ces gens là. Ce sont les mêmes
mécanismes qui se mettent en place pour l'accomplissement des
rituels qui abondent en éléments qui active le système
contagion. Tout artefact culturel évoquant ce genre de situation
(avec, par exemple, une prescription rituelle) est fortement
susceptible de retenir l'attention. Pour comprendre les rituels,
il faut revenir aux coalitions. Le rituel de passage des
adolescents au monde adulte est le meilleur moyen de savoir si
les jeunes gens sont prêts à payer le prix fort pour faire
partie de la coalition. Les anniversaires, les cérémonies du
mariage... sont des rituels. Les rituels sont des moyens commodes
d'établir une distinction claire entre l'avant et l'après dans
la situation sociale du groupe.
Dans les petits villages africains isolés ou dans les grandes
villes occidentales, les gens ont tendance à former des réseaux
de groupes solidaires: des personnes à qui se fier en cas de
besoin. La structure et la taille de ces réseaux est
étonnamment stable dans toutes les civilisations. L'homme est
très performant en théorie sociale: ses systèmes mentaux sont
conçus pour fournir une motivation puissante en donnant des
récompenses sous forme d'émotions. Les dispositifs rituels
produisent des inférences riches. Les rituels ne créent pas
d'effet sociaux: ils créent l'illusion qu'ils en créent. Ils
donnent donc l'impression d'en créer. Les rituels ont un parfum
de réelle transcendance: ils activent des forces mystérieuses
que les gens sentent mais ne peuvent décrire et encore moins
expliquer. Le fait d'inclure des agents surnaturels les rend plus
pertinents. Le rituel laisse souvent une impression de vide qui
est facilement rempli avec un agent surnaturel dieu ou esprit.
Pourquoi les gens se réunissent-ils dans des bâtiments
spéciaux, où ils écoutent le récit de tortures très
anciennes et font semblant de manger la chair d'un dieu? Réponse
officielle: "Afin de commémorer un événement crucial,
partager la bénédiction surnaturelle, célébrer un agent
surnaturel et renouveler un contrat particulier avec cet
agent". L'explication n'est pas pertinente. Le succès des
rituels est à chercher dans les processus psychologiques qui ne
sont pas transparents aux pratiquants: parce que les rituels sont
des pièges à pensée qui produisent leurs effets en activant
des systèmes spécialisés de notre cerveau. L'esprit humain est
ainsi fait que ces cérémonies très spéciales deviennent, avec
le temps, parfaitement naturelles.
La violence:
Dans un groupe de gens qui partagent une doctrine religieuse
commune, adorer les mêmes dieux crée une communauté. Ceux qui
s'impliquent profondément dans une religion, pour qui il est
vital que leur doctrine soit la seule source de vérité,
n'hésiterons pas à massacrer ceux qui ne reconnaissent pas
cette évidence. Les crimes les plus atroces seront la
célébration de la Vrai Foi. Les dieux et les esprits créent la
cohésion du groupe dont découle la xénophobie qui entraîne
elle-même le fanatisme et la haine.
La psychologie sociale montre combien il est facile de créer de
forts sentiments d'appartenance et de solidarité entre des
personnes arbitrairement réparties en groupes. Il suffit de leur
dire qu'elles font partie des bleus ou des rouges. L'appartenance
à l'autre groupe est interprétée comme un danger potentiel.
C'est la magie sociale: les gens ont des aptitudes spécifiques
pour la coalition mais ils ne savent pas pourquoi. Encore une
fois, la non-conscience pour l'humain des ses propres mécanismes
offre un terrain propice à la manipulation mentale et aux
religions. Dans toutes les traditions, on peut trouver des
mouvements entièrement centrés sur le retour à des valeurs
religieuses considérées comme perverties par l'évolution
historique. Ces mouvements fondamentalistes, en général,
légitiment la violence. Le fondamentalisme est un phénomène
moderne, il est exacerbée dans nos sociétés ou la
communication est facile et importante et créé une concurrence
culturelle. Le message véhiculé par le monde moderne n'est pas
seulement qu'il existe d'autres façons de vivre, que des gens
peuvent être croyants, ou croire autrement, ou se libérer des
contraintes de la morale religieuse. Le message du monde moderne
est qu'on peut faire tout cela sans payer le prix fort ce qui
implique que la défection ne coûte rien et qu'elle est donc
très probable. La violence fondamentaliste tente de faire monter
le prix à payer pour les déserteurs potentiels. Les groupes
fondamentalistes s'efforcent surtout de contrôler la conduite
publique des autres, ils essaient de punir ce qu'ils considèrent
comme des manquements aux normes religieuses par des châtiments
publics et spectaculaires. Cette violence est en grande partie
dirigée non pas vers l'extérieur mais vers les membres de la
communauté. Le fondamentalisme est une volonté de préserver un
type particulier de hiérarchie menacée par la facilité de
défection.
Les
multinationales de la religion:
Certaines religions utilisent le service de spécialistes:
prêtres, curés, rabbins... d'autres pas. Pourquoi ces
différences?
Lorsque l'écriture est apparue, puis lorsque l'écriture a
permis de représenter la parole, les changements ont été
stupéfiants. L'écriture a d'abord servi l'administration puis
le commerce puis, entre autre, la religion. L'écriture a
entraîné des associations stables de spécialistes religieux
qui sont devenus des corporations qui contrôlent le marché des
services qu'ils rendent. Au départ leur position est fragile du
fait de la concurrence facile. Cette concurrence a poussé très
tôt les corporations religieuses à gagner le maximum
d'influence politique. Parfois, comme l'Église catholique en
Europe pendant plusieurs siècles, elles réussissent à prendre
le contrôle de l'ensemble du processus politique. La prise de
contrôle politique des corporations religieuses est devenue une
spécialité. Ceux qui n'acquièrent pas de pouvoir politique
perdent rapidement du terrain. Pour consolider sa position, une
solution est de créer une marque: un service normalisé et
spécifique, facilement reconnaissable et exclusivement fourni
par l'organisation. Pour offrir des services religieux identiques
au sein de la marque, la corporation doit pouvoir décrire ce
qu'elle offre. Pour garder le maximum de contrôle, les
corporations de lettrés spécialisés dans les services
religieux d'une marque présentent leurs textes comme des sources
de vérité garanties. Elles tendent à minimiser l'importance de
l'intuition, de la divination, de l'inspiration personnelle, de
la tradition orale et des êtres possédant une qualité
exceptionnelles parce que tout cela échappe à son contrôle.
Les corporations religieuses offrent donc une explication des
dieux et des esprits cohérente, déductif et stable.
Pourtant, les fidèles ont naturellement tendance à simplifier,
adapter le message des corporations pour l'adapter à leurs
besoins. Les théologiens luttent en permanence contre cette
"dégradation" de leur message qui en altère la
stabilité et donc leur pouvoir.
Science et
religion:
Opposer la religion à la science et réciproquement est rarement
constructif. La religion, quand elle est correctement construite,
est un système logique Godélien fermé indémontrable et
irréfutable et donc inaccessible à la science. En Occident, la
religion a commis l'erreur fatale de se mêler des faits
empiriques: elle nous a ainsi gratifié d'une longue liste
d'affirmations précises, officielles et indiscutables sur le
cosmos et la biologie que nous savons être fausses. L'Église a
perdu toutes ces batailles et de façon définitive. C'est très
gênant. Certains vivent dans un monde imaginaire où les sources
bibliques restent une référence géologique et paléobiologique
mais ça demande énormément d'efforts. La science montre non
seulement que certaines fables sur la formation des planètes
sont inacceptables mais aussi que c'est une erreur fondamentale
de considérer la religion comme une façon de connaître les
choses.
Ce que nous enseignent l'évolution, la biologie, la psychologie,
l'archéologie et l'anthropologie, c'est qu'un ensemble de
facteurs constitue la "main" collective et invisible
qui guide l'évolution culturelle. Mais les explications en terme
de "main invisible" sont frustrantes, nous préférons
l'hypothèse d'une "main cachée" qui implique une
conspiration: des maîtres de l'univers tirant les ficelles.
Les sceptiques voient souvent dans la croyance une forme de
négligence intellectuelle.
L'activité scientifique est contre nature au vu de nos
capacités cognitives. C'est pourquoi l'acquisition de
connaissances scientifiques est plus difficile que celle de
représentations religieuses. Elle est improbable sur le plan
social, elle s'est donc développée dans un nombre limité de
pays, chez peu de gens, pendant une période très courte.
Conclusion:
Dans le cerveau de l'homme, la sélection naturelle a favorisé
des mécanismes complexes et dissimulés qui ont permis la survie
de l'espèce. Les mêmes mécanismes se sont révélés propices
au surnaturel. Des concepts surnaturels sommaires de dieux et de
religions sont donc apparus. La sélection naturelle, encore
elle, a trié et conservé les meilleurs concepts: les plus
riches, les plus faciles à retenir et ceux susceptibles
d'évoluer, souvent en relation avec les morts et les cadavres.
Puis l'écriture est apparue et a permis l'éclosion de lettrés
spécialistes qui ont lutté contre la concurrence en prenant le
pouvoir politique, en créant des marques facilement
reconnaissables, stables et codifiées: les
"multinationales" de la religion sont apparues.
L'esprit humain n'est pas devenu vulnérable à n'importe quelle
croyance surnaturelle. Il est devenu vulnérable à un nombre
très restreint de concepts surnaturels: ceux qui peuvent activer
en même temps les systèmes d'inférences liés au vivant, à la
prédation à la mort, à la morale, aux échanges sociaux. C'est
pour cela que la religion a des traits communs dans le monde
entier.
Sources:
Pascal Boyer "Et l'homme créa les
dieux" , Laffont
Sigmund Freud "Totem et tabou"
Sigmund Freud "L'avenir d'une illusion"
Sigmund Freud "Moïse et le monothéisme"
Kant "Critique de la raison pure"
Kant "La religion dans les limites de la seule raison"
Kierkegaard "Le concept de l'angoisse"
Kierkegaard "Crainte et tremblement"
Steven Pinker " Comment fonctionne l'esprit"
Dan Sperber "La contagion des idées"
http://sites.google.com/site/legrosmensongedelabible
10/10/11